Quelles conséquences d’un accident pour un sportif professionnel?
Pour un sportif professionnel, un accident sportif peut avoir des conséquences particulièrement graves.
En effet, outre les incidences communes à toute victime, la carrière du sportif peut véritablement être compromise par cet accident.
Un non sportif peut également être victime d’un accident lors d’une compétition, d’un entrainement ou d’une simple activité de loisir. Les conséquences peuvent parfois également être particulièrement lourdes.
- La question de la faute: l’exclusion de la théorie de l'acceptation des risques.
Pendant très longtemps, les dommages corporels occasionnés lors d’une activité sportive ne donnaient droit à aucune indemnisation.
En effet, la théorie de l’acceptation des risques faisait Loi et était appliquée de manière stricte. Les juges considéraient que la pratique sportive était, par nature, créatrice de risques et que le pratiquant les acceptait comme tels. La responsabilité de plein droit était parfaitement exclue en la matière et obligeait ainsi le sportif à apporter la preuve des faits allégués.
Ce dernier devait en outre invoquer une faute caractérisée pour voir sa demande aboutir. L’auteur du dommage était ainsi privilégié à la victime.
Bien que ce dernier ait causé un dommage à autrui, il était exonéré de sa responsabilité puisqu’on considérait que la victime avait participé librement à cette activité et donc avait conscience des risques qu’il encourait.
Ce n'est que par un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 4 novembre 2010 que la Cour de cassation est revenue sur sa position initiale.
Ainsi, la Cour Suprême énonce que « la victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instrument du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques »[1].
Dès lors, la responsabilité du fait des choses vient exclure l’application de la théorie de l’acceptation des risques.
Cette dernière serait désormais inopposable à la victime et ce, quelles que soient les circonstances du dommage (entraînement, compétition...).
Autrement dit, un sportif dont la responsabilité de plein droit viendrait à être recherchée par un autre sportif au titre de la responsabilité civile du fait des choses ne serait tout simplement plus recevable à invoquer pour sa défense la notion d'acceptation des risques normaux du sport en cause.
Par un arrêt rendu en 2015, la Cour de Cassation confirme cette position au motif que « Le gardien d’une chose ne peut se dégager de sa responsabilité de plein droit en invoquant l’acceptation des risques par la victime ».
Ainsi, alors qu'un véhicule avait quitté la route lors d’un rallye automobile organisé par une association sportive et provoqué la mort du pilote et blessé gravement le copilote, l'assureur a été tenu d'indemniser la victime.
- Un revirement jurisprudentiel limité
Ce revirement jurisprudentiel s’il est opportun est aujourd’hui limité dans son application. En effet, tant la loi que certains principes prétoriens viennent restreindre son efficacité.
Dans un premier temps, l’adoption de la loi n’ 2012-348 du 12 mars 2012 « tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles » a eu essentiellement pour but de venir limiter le champ d’application de cette jurisprudence.
Ainsi, le nouvel article L. 321-3-1 du code du sport prévoit que « Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article 1242 du code civil, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d'une manifestation sportive ou d'un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique. »
Si le préjudice corporel reste sous l’empire de la jurisprudence de 2010, le préjudice matériel, quant à lui, succombe.
En outre, la théorie de la garde en commun peut également venir faire échec à l’indemnisation du sportif. C’est notamment le cas lorsque la chose est sous la garde commune et simultanée de plusieurs personnes et que celle-ci blesse l'une d'entre elle. Cette dernière ne peut invoquer le fondement de l’article 1384 alinéa 1er pour engager la responsabilité des autres gardiens. Il convient cependant de relativiser le champ d’application de cette théorie puisque s’il est vrai que les joueurs doivent avoir chacun un pouvoir effectif et dépendant de celui des autres participants, il convient néanmoins de vérifier qu’aucun d'entre eux n'exerce sur les autres une fonction de commandement ou un rôle de leadership. La notion de garde en commun suppose des pouvoirs égaux et strictement identiques entre les joueurs. Elle est au contraire écartée lorsqu'existe entre eux un rapport de hiérarchie[2].
Enfin, l’exigence d’une faute qualifiée semble également compromettre l’indemnisation du sportif. Ainsi, si la faute sportive est bien entendue nécessaire en vertu des articles 1242 et suivants du code civil, elle n’est cependant pas suffisante. En effet, pour que la faute soit susceptible d’engager la responsabilité de l’auteur, il convient de démontrer que la violation de la règle du jeu était soit intentionnelle soit de nature à exposer autrui à des risques graves. On constate ainsi que les imprudences simples, les coups portés involontairement dans le feu de l'action n'engagent pas la responsabilité de leurs auteurs (Civ. 2e, 21 mai 1988, Bull. Civ. II, no 106).
La Cour d’Appel de par un arrêt n° 14/01053 rendu le 22 avril 2014[3] a estimé que la faute sportive ne constituait pas nécessairement une faute civile.
Dès lors, alors qu’un joueur avait été heurté au niveau du thorax par le pied du joueur adverse qui effectuait un « retourné » alors qu'ils jouaient tous les deux le ballon, il a été estimé que si cela constituait bien une violation des règles de jeu, celui-ci n’avait cependant pas délibérément donné un coup de pied à son coéquipier et qu’il n’était ainsi pas établi qu'il ait commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil.
Par ailleurs, la Cour de Cassation a récemment refusé d’admettre l’engagement de la responsabilité d’un joueur lorsqu’il n’était pas rapporté la preuve d'une faute caractérisée par une violation des règles du jeu[4].
On constate ainsi une véritable différence de traitement selon que la victime a subi un dommage causé par le fait personnel d’un autre sportif ou selon que ce dommage a été causé par une chose. En effet, dans le premier cas, il convient de rapporter la preuve d’une faute caractérisée tandis que dans le second, la faute est quasiment présumée à partir du moment où la chose a été l’instrument du dommage.
En outre, l'acceptation des risques continue de jouer un rôle encore considérable concernant l'appréciation de la faute. En effet, dans un jugement récent du 9 octobre 2014, le tribunal de police d’Anvers avait notamment pu prendre en compte la théorie de l’acceptation des risques pour refuser l’engagement de la responsabilité d’un cycliste qui avait provoqué la chute d’un coéquipier et des lésions.
[1] 2e Civ., 4 novembre 2010, Bull. 2010, II, no 176, pourvoi no 09-65.947
[2] Sport – Jean MOULY – Charles DUDOGNON – juin 2012 (actualisation : avril 2015), Répertoire de droit civil, Dalloz.
[3] Droit Civil - Responsabilité - Une faute sportive n'est pas nécessairement une faute civile – J.M. – JS 2014, n°143, p.9
[4] Civ. 2e, 20 novembre 2014, n°13-23.759
Historique
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